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Affaire des viols de Mazan : la dignité de Gisèle Pélicot, un « champ de ruines » qui est « encore debout »

« La façade est solide mais à l’intérieur, c’est un champ de ruines. » Droite au centre du prétoire de la cour criminelle du Vaucluse, campée à la barre des témoins dans une robe d’un rouge lumineux, Gisèle Pélicot est une femme en reconstruction, une femme qui s’étonne d’être « encore debout ».
« Rien ne me gêne, Monsieur le président »… Ni la pression de la cinquantaine d’hommes dont la plupart ont le visage couvert d’un masque chirurgical, assis derrière elle, accusés de l’avoir violée alors que son mari l’avait droguée. Ni le regard de celui-ci, un septuagénaire aux cheveux gris adossé dans une encoignure du box des détenus. Elle veut tout dire, prête à affronter toutes les questions, y compris les plus intimes sur sa sexualité, elle qui confesse n’avoir été que « la femme d’un seul homme ».
Pour résumer le « tsunami » qu’elle a vécu lors de la révélation des faits et les quatre dernières années, elle use plusieurs fois d’une même image : « Je suis comme un boxeur qui tombe et se relève. » Alors, d’une voix claire et précise, cette femme qui va fêter ses 72 ans en décembre fait le récit d’une « trahison ».
Le 2 novembre 2020, lorsqu’elle se rend avec son mari au commissariat de Carpentras (Vaucluse), elle pense y aller « pour une formalité ». Dominique Pélicot est convoqué ce jour-là pour s’expliquer sur la caméra que, le 12 septembre précédent, il a glissé sous les jupes de plusieurs clientes d’un centre commercial. Elle qui, en cinquante ans de vie commune, n’a « pas un mot obscène, pas un geste déplacé » à reprocher à son mari, a décidé de passer l’éponge sur ce qu’il lui dit regretter et a nommé « une bêtise ». « Je vais te pardonner cette fois, mais il n’y aura pas de prochaine fois », l’a-t-elle mis en garde. « Et excuse-toi auprès de ces femmes ! »
Au commissariat, elle parle de son mari comme « d’un chic type, d’un homme attentionné », avant que le lieutenant de police qui l’interroge lui glisse sous les yeux une première photo. « Il me demande : “C’est bien votre chambre ?” Je ne connais pas la personne à côté de moi. » Une seconde photo… « On est en train de me violer. Le traumatisme est énorme, je veux rentrer chez moi. » Ce n’est que lors du mois de mai 2024, à l’approche du procès, que son avocat l’a convaincue de regarder les vidéos enregistrées par son mari puis archivées et légendées avec un soin de documentaliste.
Pas une fois, durant ce témoignage d’une heure et demie auquel elle met, elle-même, un terme « par peur d’endormir la salle », Gisèle Pélicot ne s’est départie d’un ton digne et clair, même lorsqu’elle parle des viols subis. « J’ai été sacrifiée sur l’autel du vice. C’est une morte sur un lit. Ce n’est pas une chambre, c’est un bloc opératoire. Ils me considèrent comme un sac-poubelle, une poupée de chiffon. Ce ne sont pas des scènes de sexe, ce sont des scènes de viol, c’est insupportable, insupportable. »
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